Bonnet Rouge : Romain Pasquier. « Il manque une colonne vertébrale »

Publié le par Le Télégramme

Politologue et enseignant à Sciences-Po Rennes, Romain Pasquier observe de près le mouvement des bonnets rouges.

Comment caractériser ce mouvement ?
Ce qui m'avait frappé à Quimper, c'est le caractère populaire de la manifestation. Il y avait des gens d'origines différentes mais cela ne correspondait pas à la mythologie parisienne, qui commençait à se répandre, de grands patrons qui faisaient défiler leurs salariés.


Vous voulez dire que l'on a caricaturé ce mouvement ?
Oui. C'était beaucoup plus pluriel que ça. Il y avait beaucoup de petits patrons mais beaucoup de ces petits patrons n'ont pas des conditions tellement différentes de celles de leurs salariés. Il y avait aussi, bien au-delà de l'écotaxe, des militants associatifs et culturels qui étaient là pour témoigner du décrochage du Centre-Bretagne. Ce n'était pas l'expression d'une région en déclin mais d'une région inquiète sur ses piliers de développement qui ne sont pas qu'économiques mais aussi culturels.

Est-ce que l'on peut parler d'un mouvement régionaliste ?
Évidemment, il y a un caractère hétéroclite dans ce mouvement, mais en même temps, ça continue à tenir, en tout cas jusqu'à demain. Qu'est-ce qui fait que des salariés et des patrons, des gens de droite et de gauche défilent ensemble et que ça a tenu ? La seule explication, à mon avis, c'est le souci de l'avenir d'une région, le sentiment d'appartenance à celle-ci. On peut donc parler d'une expression régionaliste.

Sur quoi peut déboucher selon vous ce mouvement ?
Il manque quand même une colonne vertébrale intellectuelle à ce mouvement. Il n'y a pas un projet de développement alternatif qui émerge. Ça reste un peu court. C'est, par ailleurs, un mouvement essentiellement cantonné en Basse-Bretagne. Son échec pour le moment, c'est de ne pas avoir essaimé en Haute-Bretagne. Cela peut d'ailleurs alimenter des tensions entre Bretons. On a vu, par exemple, des déclarations pas très sympathiques d'élus rennais.

Sur quoi pourrait déboucher le rassemblement de demain ?
Je pense que ça va permettre de flatter une forme de régionalisme ordinaire qui est très fort en Bretagne. Mais après qu'est-ce que l'on fait de cela ? Je ne crois pas que Kérampuil nous donnera beaucoup de réponses. Ça risque un peu de rester en l'état sans que l'on voie de sortie, que ce soit dans la négociation avec l'État ou alors dans une structuration de ce mouvement.

La participation à ce rassemblement aura quand même une grande importance ?
Oui. La première étape serait au moins de regrouper autant de monde qu'à Quimper en confirmant que ce sont eux qui ont le soutien populaire en Basse-Bretagne et pas ceux qui négocient le Pacte d'avenir. Ça pourrait leur permettre d'enclencher une nouvelle séquence de négociations ou, en tout cas, de faire pression sur l'État pour qu'il engage un volet plus politique dans la négociation sur le futur modèle breton.

  • Propos recueillis par Yvon Corre

Bonnet Rouge : Romain Pasquier. « Il manque une colonne vertébrale »

Publié dans Luttes

Commenter cet article