Musée. Les oeuvres d'un otage morlaisien - Expo à partir du samedi 26 octobre 2013 jusqu'au 25 janvier 2014
Louis Le Gros faisait partie des otages de Morlaix, arrêtés le 26 décembre 1943. Déporté à Buchenwald, il a laissé de nombreux dessins, croquis, aquarelles, certains réalisés en déportation. Ils composent la nouvelle exposition du musée de Morlaix.
«Promiscuité» : la seule huile sur toile de la nouvelle exposition du musée des Jacobins, «26 décembre 1943 : Louis Le Gros, otage déporté de Morlaix», accuse et témoigne.
Au premier plan, trois déportés discutent. Au second plan, un corps décharné est sorti du baraquement. En haut, à droite de la toile, une tête à moitié cachée par les lits ou s'entassent les déportés, fixe d'un regard terne, vide, le visiteur. Une scène de la vie dans un camp de concentration.
Témoignage d'un survivant
Témoigner par son travail de cet enfer, de cette déshumanisation, pensée, organisée et codifiée par le régime nazi, a été l'engagement de Louis Le Gros. Il était un survivant des camps.
Décédé en 1994, à Paris, rue des Martyrs, l'artiste, originaire de Plougasnou, a dessiné, peint des scènes de vie, des scènes d'horreur, des scènes d'Histoire, en soulignant toujours la dimension personnelle de ce témoignage.
«Louis Le Gros a été arrêté à Morlaix par l'armée allemande, à la suite de l'attentat du 24 décembre 1943. Un inconnu avait lancé une grenade sur le Soldatenheim, rue de Brest, où s'étaient réunis des soldats allemands. Dix-sept avaient été blessés», raconte la directrice du musée de Morlaix, Cyrielle Durox. En représailles, une rafle avait été organisée et 60 Morlaisiens, arrêtés le 26 décembre 1943 et déportés.
La directrice reprend : «Louis Le Gros a dessiné pendant sa déportation. Il a caché ses croquis sous le châlit de son lit dans le block 56, à Buchenwald. Au moment de la Libération du camp, en avril 1945, il les a récupérés. À son retour à Morlaix, il a dessiné dix dessins de reprises, représentant ces «Scènes de la vie du camp»». Elle révèle : «Il a peint aussi les portraits de ses compagnons morts en déportation pour les donner à leurs familles».
La nécessité de transmettre
L'artiste amateur, entre 1985 et 1987, confronté à la montée des thèses négationnistes, a ressenti la nécessité de témoigner. Il a réalisé, alors, 71 huiles sur bois, basées sur ses dessins réalisés à Buchenwald. Il les a peintes dans l'urgence, car sa vue l'abandonnait.
Son fils, Marc Le Gros, écrivain et commissaire de l'exposition, a porté beaucoup de soin à mener ce travail. La majorité des oeuvres lui appartient. «Effectivement, il y a eu des moments très forts émotionnellement, explique Béatrice Riou, du musée de Morlaix. Des moments d'angoisse aussi. Le souci de justesse et de l'héritage était présent».
200 oeuvres
200 oeuvres et documents d'archives sont exposés, sur deux étages. La première salle est consacrée au terrible parcours de Louis Le Gros, de façon chronologique, de son arrestation à Morlaix jusqu'à la Libération des camps. Des scènes qu'il a peintes, composées comme des photographies terrifiantes, prises sur le vif. Des scènes dures et, à la surprise du visiteur, parfois drôles. Si l'ensemble n'est pas morbide, certaines oeuvres sont presque insoutenables.
Mais là est sans doute tout l'impact du travail de Louis Le Gros. Il force l'oeil à regarder. La rétine est effrayée par ces preuves. Cette exposition bouleversante hurle aux visiteurs : n'oubliez jamais.
- Sterenn Duigou
L'exposition au musée de Morlaix du 26 octobre au 25 janvier
L'exposition sera inaugurée après une cérémonie commémorative en hommage aux otages morlaisiens, vendredi, à 18 h 30, place des Otages. Elle sera visible du 26 octobre au 25 janvier. Ouverture du mardi au samedi, de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h, et le premier dimanche du mois, de 14 h à 17 h. Plein tarif : 4,50 € ; réduit : 3 € ; famille : 7 €.
